Ce témoignage pourrait être le mien…

Publié le par Justine

Vittoria PAZALLE, ancienne anorexique-boulimique témoigne et écrit : 

  

[…] 

 

« Le chemin vers l'espoir

Et c'est ainsi que je suis allée DEMANDER DE L'AIDE à l'extérieur : consulter un spécialiste dans le domaine des troubles du comportement alimentaire (TCA). Alors qu'anorexique, grâce à ma volonté implacable, j'avais un sentiment de surpuissance ; en tant que boulimique, complètement désemparée, je me sentais alors telle une moins que rien.  

 

Or en consultant un thérapeute, j'ai enfin pris conscience du fait que je couvais bien des problèmes. J'ai alors découvert que, dès ma plus tendre jeunesse, je me démarquais déjà par rapport aux autres enfants. J'étais toujours sage et, même, je n'étais jamais en colère. Tout cela, parce que je ne voulais pas déranger. Je ramenais toujours de très bonnes notes. Tout cela, bien sûr, pour faire plaisir à mes parents et, surtout, pour être acceptée et gagner leur amour.  

 

J’ai dû, dès mon jeune âge, déjà beaucoup assumer. Pour trouver ma place, je voulais être absolument parfaite, mais à force de vivre par rapport aux autres, j'étais pleine de peurs de tout (des conflits, des critiques, voire des regards). Puis, avec les années, j'ai fini par développer ce besoin permanent et viscéral d'approbation d'autrui, voire d'être aimée de tous, au point de faire sans cesse mon maximum (soit beaucoup trop), pour être appréciée. Après tant d'années de privations et de maîtrise strictes, soudain à force de tensions dues à ce désir de perfection, j'ai fini par craquer. J'étais si tendue nerveusement et émotionnellement durant la journée, que je n'avais qu'une idée pour m'apaiser dès que je me retrouvais seule en rentrant à la maison : manger.  

 

Or grâce à ma thérapie, j'ai bien vite réalisé que cette obsession du corps était notamment une fixation pour ne pas penser à tous les tourments réels, profonds et surtout très lourds qui étaient enfouis en moi.  

 

Ainsi je mangeais :  

 

- pour ne pas penser à mon problème vis-à-vis de la féminité (j'étais certes très attirée par les hommes, mais j'avais une peur bleue de provoquer chez eux du désir. La sexualité était véritablement à mes yeux un monde trop animal et brutal)   

 

- pour combler ce sentiment de VIDE SI IMMENSE qui me submergeait à force d'avoir si peu confiance en moi et, surtout, de n'avoir aucune estime de moi-même   

 

- pour compenser mes frustrations comme le sentiment de lâcheté que j'éprouvais à force de toujours dire «oui» alors que je pensais «non» (j'en finissais par ne même plus pouvoir me regarder dans une glace)  

 

 - pour ne pas faire face à mon angoisse de l'échec (car je voulais absolument tout réussir)  

 

- pour étouffer les mots que je n'osais pas ou ne pouvais pas dire (j'étais si convaincue que j'étais stupide et que je ne valais rien que j'étais incapable de donner la moindre opinion)  

 

- pour couvrir la colère que je n'osais pas exprimer contre les autres (j'avais si peur du rejet et des conflits que j'étais dans l'incapacité absolue de me défendre) et surtout contre moi-même (j'avais si honte de porter toujours un faux masque de moi-même, soit celui de "parfaite" fille, collègue et jeune femme si performante, alors que je me sentais si creuse au fond de moi).  

 

Quant aux émotions, cela a été un travail fastidieux, mais INDISPENSABLE.  

 

J'ai été très longtemps déconnectée de moi-même avec l'anorexie. Plus précisément, je ne voulais être qu'un "pur esprit" car j'étais hypersensible.  

 

Avec ma très grande vulnérabilité, l'accumulation de blessures et d'attentes affectives vaines m'avaient pousse à me construire un monde à moi. Et pour ne plus souffrir, la seule solution que j'ai trouvée a été de me blinder le cœur.

Finalement le corps était vil à mes yeux parce que la chair était imprévisible, parce que les émotions faisaient trop mal (je prenais tout dans les tripes) et parce que les gens m'avaient tant déçue. J'avais ainsi d'énormes blocages.  

Or rien que le fait que de commencer à parler à un spécialiste et de me confier à une personne... qui, elle, enfin ne me jugeait, ni ne me critiquait... m'a déjà fait beaucoup de bien pour atténuer non seulement toute la tension que j'avais en moi, mais aussi pour sortir de ce sentiment écrasant de solitude.  

 

Ensuite, comme un bébé, j'ai tout recommencé. J'ai ainsi dû apprendre à identifier mes émotions.

J'étais si déconnectée de moi-même que je sentais bien des troubles, mais j'étais dans l'incapacité totale de dire ce que c'était. Notamment, un beau jour, le spécialiste m'a dit "mais pourquoi êtes-vous en colère ?". Et j'ai soudain réalisé qu'il avait tout à fait raison, j'étais furieuse contre une personne, mais une partie de moi refusait COMPLETEMENT d'éprouver une telle émotion.   

Par la suite, j'ai aussi appris que j'avais le droit d'éprouver certaines émotions dites "négatives". Par exemple, dans mon enfance, je n'avais pas le droit de montrer ma colère sous peine d'être rabrouée, disputée, voire de recevoir une claque de ma mère. Ainsi, j'ai très vite compris que je devais étouffer ce que j'avais à l'intérieur pour devenir celle l'on voulait que je sois : c'est-à-dire la très gentille Vittoria, toujours sage et raisonnable.

Mais l'autre Vittoria, celle au fond de moi, qui aurait exprimé ses désirs, ses opinions, ses colères et ses passions, était complètement frustrée, et il fallait bien qu'un jour elle se manifeste.   

La boulimie a alors été un signal pour me faire comprendre que je n'étais pas en accord avec moi-même. Plus précisément, elle compensait tous mes refoulements accumulés. Et toute cette violence contenue, je la retournais contre moi-même en faisant des crises. 

 

C'est ainsi qu'à plus de 30 ans, j'ai appris qu'émotion et raison n'étaient pas incompatibles, qu'exprimer ses émotions n'était pas un manque d'éducation et que, surtout, la colère n'était pas haïssable et primaire, mais au contraire un moyen de détecter que nos propres besoins ne sont plus respectés.  

 

Plus précisément, il m'a notamment fallu apprendre à :  

 

- me laisser aller (soit oublier l'idée de contrôle et accepter enfin de ressentir ce que j'éprouvais),   

- me confier (en laissant alors derrière moi cette idée que j'étais anormale, que je ne devais compter que sur soi-même, qu'il y avait bien plus grave ailleurs et que je n'avais donc pas le droit de me plaindre, etc.),   

- relativiser (notamment en écoutant l'interprétation des autres, les avis d'autrui sont plein d'enseignement pour sortir du comportement de victime toujours négatif et pessimiste envers soi) pour diminuer mes angoisses, puis identifier et gérer mes émotions soit disant négatives comme la colère (émotion que j'étouffais tant en moi par peur d'exploser littéralement un jour au point de devenir extrêmement agressive),  

- découvrir mes qualités (et oui tout le monde en a... même si l'on y croit plus).  

 

Toutes ces étapes ont été nécessaires pour peu à peu retrouver confiance en moi, prendre enfin ma place et être aussi capable de me défendre.  

 Et, par expérience, je peux à présent dire que, dès que :   

- l'on s'affirme (notamment oser dire "je", "non" et "oui, mais je pense aussi que..."),  

- l'on s'explique sur le moment (au lieu de tout garder en soi, d'accumuler et ruminer),  

- l'on identifie et que l'on exprime ses besoins,  

 

on commence à aller mieux.  

 

En S'AFFIRMANT, on prend enfin SA place et l'on a soudain le sentiment d'EXISTER.  

 

Dorénavant, je n'ai plus peur de me nourrir. Je dois même avouer que j'aime manger. J'éprouve en fait un grand plaisir à m'alimenter, car je sais que j'en ai tout à fait le DROIT. Après tout, si on accepte qu'une voiture ait besoin d'essence, il faut aussi accepter que notre corps ait besoin d'énergie.  

 

En outre, j'en ai fini de faire le compte des calories... et cette peur panique de grossir en imaginant aussitôt cette graisse qui s'infiltrerait dans mon corps.  

Par la suite, j'ai même retrouvé la sensation de satiété (notion que j'avais perdue à cause de toutes mes angoisses).   

Enfin, alors que pendant mes années de boulimie, à force d'avoir une vie (surtout les soirs et les week ends) qui n'était que : achat de nourriture, gavage/purification, je pensais ne plus jamais pouvoir un beau jour sortir de ce schéma. Je me disais même que si je guérissais, je ne saurais même plus quoi faire de ma vie.  

 

Mais, en travaillant beaucoup sur moi-même et en faisant enfin ce que je voulais (et non plus ce que l'on attendait de moi), puis en abandonnant ce désir fou de perfection, je suis devenue plus forte ; et j'ai même pu me projeter sur l'avenir. Aujourd'hui, je suis tout à fait capable d'avoir des initiatives et de faire un tas de projets.  

 

Cependant, il est indispensable de faire preuve de lucidité, on ne guérit pas du jour au lendemain. Chaque jour apporte son lot d'enseignement et d'expérience... et c'est ainsi que, petit à petit, on finit par trouver son autonomie. »  

 

Sources : http://www.vittoria-pazalle.com/index.html  

Je pourrais en effet écrire exactement ces mots, ces phrases, ces affirmations. J’ai moi-même compris toutes ces choses grâce à mon hospitalisation, et j’en suis moi aussi arrivée là. A me sortir de ces troubles que l’on vit quotidiennement dans un véritable enfer… A apprécier maintenant de manger normalement et sans aucun jugement, me faire plaisir… A voir à nouveau l’avenir avec un autre regard, positif et plein d’optimisme… A retrouver tout simplement l’envie, la joie et le goût de vivre.  

Tout cela, grâce à cette hospitalisation que j’ai pourtant si longtemps refusée, dont j’avais si peur et ne voulais pas entendre parler. Je ne souhaitais pas laisser mon p’tit homme et mes enfants seuls, je refusais d’être enfermée et soignée avec des méthodes un peu « barbares », je ne voulais pas être isolée pensant que cela m’achèverait plutôt que m’aiderait, j’avais peur des blouses blanches, des heures de psychothérapie quotidiennes dont on m’avait parlé, peur de devoir manger, peur de la reprise de poids, peur de la guérison en fin de compte, et surtout… peur de moi-même, de ne pas être capable de faire la découverte de ce que j’étais réellement et pourrait éventuellement devenir…  

 

Aujourd’hui, je suis heureuse que la vie m’ait poussée à cette hospitalisation et contente d’en être sortie ainsi. Vraiment. J’ai tant appris là-bas, tellement gagné de choses, vaincu des peurs, répondu à des questions, modifié ma façon de penser, mes comportements, mes attentes, compris certaines de mes erreurs, être arrivée à me découvrir, faire connaissance avec moi-même, m’apprivoiser au début, m’accepter ensuite, et enfin m’aimer. Avoir réussi à décortiquer entièrement mes 36 années de vie vécues, les analyser, les accepter et pouvoir avancer librement après celles-ci, en les conservant derrière moi simplement comme un passé oublié.  

 

Je ne me retourne plus, ni sur ma vie, ni sur moi-même… Je regarde devant moi et ne fais qu’avancer, avec la seule idée en tête… profiter au maximum de la vie qui m’est offerte et que j’ai tant méritée. 

Publié dans Archives 01 à 12-2007

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S
Je n'ai plus qu'à suivre ton exemple...Sur le chemin de la guérison, l'espoir d'en finir grandit de jour en jour.Du travail reste encore à faire, mais la porte vers la sortie est grande ouverte je n'ai plus qu'à avancer...Merci pour ton soutien de tous les instants !Continues comme ça : Aimes la vie et elle t'aimera en retrou !BisousSnow
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