Comment reste-t-on boulimique ?

Publié le par Justine

Sources :  « comment se sortir de la boulimie » des Dr François NEF & Yves SIMON

 La restriction alimentaire continue  

 

Les boulimiques adoptent des règles diététiques trop strictes, qui s’avèrent intenables à moyen terme. Plutôt que de se fixer des principes alimentaires généraux, elles définissent trop précisément ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas manger, en quelle quantité, quand et comment. Tout manquement à ces règles donne lieu à un sentiment de laisser-aller et risque de déboucher sur une crise de boulimie objective. Par ailleurs, l’état de privation physiologique induit par le régime augmente les risques d’apparition de crises de boulimie. Cet état ne se traduit pas nécessairement par des sensations conscientes de faim. En effet, les boulimiques ne perçoivent plus distinctement ni les sensations de faim ni les sensations de rassasiement. Néanmoins, elles sont appelées par les aliments lorsque leur organisme est sous-alimenté. Contre leur volonté, leur corps dénutrit les fragilise pour des épisodes de fringale. Ces derniers rétablissent le bilan négatif entre leurs apports nutritionnels insuffisants et leurs dépenses énergétiques excessives. 

 

Les affects négatifs  

 

Des sentiments et des émotions désagréables comme l’ennui, la solitude, la peur, la frustration, la colère déclenchent des crises de boulimie. Plus de la moitié de celles-ci seraient liées à ce type d’émotions négatives. Les boulimies engendrent en retour des réactions émotionnelles pénibles comme de l’anxiété, de la honte, de la culpabilité ou de la tristesse. Elles sont vécues comme des signes de faiblesse, comme un manque d’autocontrôle. Elles se passent généralement dans la plus grande solitude et isole de ce fait la personne, ce qui favorise les ruminations mentales et les affects négatifs, en particulier les sentiments de solitude et de désespoir. Cet isolement douloureux est lui-même propice au déclenchement des boulimies. 

 

Toutes ces émotions négatives entretiennent l’état de mal-être permanent de la personne boulimique et activent la piètre image que les boulimiques ont d’elles-mêmes. Des problèmes interpersonnels comme des conflits de couple, une mésentente familiale ou une mauvaise ambiance de travail causent souvent des affects négatifs. De ce fait, ils déclenchent eux aussi des crises de boulimie chez les personnes à risque.  

 

Les crises de boulimie  

 

Les boulimies calment la faim et procurent (dans un 1er temps) le plaisir de manger des aliments goûteux. La réduction de la faim et la plaisir de manger perpétuent l’envie de manger et poussent à la suralimentation. Les boulimies soulagent aussi temporairement le mal-être. En effet, pendant la crise de boulimie, la personne est complètement absorbée, presque en « état second » ou dans un état de dissociation de réalité. Elle « fait corps avec la nourriture », elle « est » la nourriture. Toute son attention est focalisée sur son alimentation. Les boulimies deviennent ainsi un moyen habituel de gérer les émotions négatives, par la distraction et l’oubli. Par exemple, une boulimie peut amoindrir la conscience douloureuse de se sentir seule ou abandonnée. La solitude et le temps que les boulimies prennent peuvent aussi protéger la boulimique contre l’extérieur. Non seulement la boulimie isole, mais elle peut maintenir à distance certaines personnes avec lesquelles la boulimique rencontre des problèmes interpersonnels. Les boulimies engendrent aussi un désir pressant de compenser les crises, par de la restriction alimentaire ou des vomissements par exemple. En favorisant les purges, les boulimies s’auto-perpétuent. Enfin, les boulimies entretiennent indirectement les préoccupations corporelles. Elles accroissent l’insatisfaction corporelle et la peur de grossir. De plus, elles altèrent l’estime de soi. 

 

Les comportements de purge  

 

Les comportements de purge (les vomissements auto-provoqués, les abus de laxatifs ou de diurétiques) sont de puissants facteurs de maintien de la boulimie. Les purges renforcent le risque de crises de boulimie. 

 

- Premièrement, ces comportements compensatoires constituent des « portes de secours » qui facilitent, voire autorisent indirectement les boulimies. Par exemple, en vomissant après la crise de boulimie, la personne se soulage physiquement et psychologiquement. Grâce au vomissement, elle a moins mal au ventre et a moins honte de s’être empiffrée. Elle croit aussi (à tort) qu’elle peut manger à outrance sans courir trop de risques de grossir. Par conséquent, le vomissement « permet » la crise, en soustrayant la personne aux conséquences aversives de la crise : la douleur physique, la honte d’avoir craqué et la peur de grossir.  

 

- Deuxièmement, pour parvenir à vomir plus aisément, certaines personnes doivent littéralement se bourrer de nourriture, au point d’être nauséeuses. Dans ce cas, c’est la perspective de vomir qui les pousse à se livrer à une crise de boulimie gigantesque.  

 

 

- Troisièmement, en régurgitant les aliments, les personnes qui vomissent rapidement après avoir mangé réduisent leurs apports nutritionnels. Elles créent ainsi un état de dénutrition, ce qui augmente les risques de crises de boulimie.  

 

- Enfin, les purges, comme les crises de boulimie, engendrent des sentiments négatifs. La personne qui se fait vomir a le plus souvent honte d’elle. Des comportements de purge répétés sapent l’estime de soi déjà précaire des boulimiques. Se sentant « mal d’avoir vomi », la personne se trouve ainsi enfermée dans la logique infernale de la boulimie.  

 

Les préoccupations corporelles  

 

Les personnes boulimiques sont très insatisfaites de leur apparence physique et/ou de leur poids. Elles sont en permanence préoccupées par leur poids, leur silhouette et leur alimentation. Cette peur de grossir les conduits à se surveiller très attentivement. Elle est responsable de leur contrôle alimentaire stricte et d’autres mesures de contrôle de leur apparence comme des pesées compulsives, du sport frénétique ou encore le port de « vêtements cachant leurs imperfections physiques ». Ces préoccupations sont aiguisées par les épisodes de boulimie, qui les amènent à vouloir reprendre le contrôle de leur alimentation par des efforts réitérés de restriction alimentaire. Une estime de soi régie essentiellement par l’apparence physique est au centre du trouble boulimique. La personne ne s’octroie de valeur personnelle que si elle exhibe un corps svelte et ferme. Elle recherche sans relâche la minceur. Sans un corps de top-modèle, point de salut ni de répit pour elle. Cette obnubilation corporelle constitue le moteur principal de la boulimie. Elle entraine un contrôle excessif de son physique, de son poids et de son alimentation…et, par la même, des pertes de contrôles.  

 

Une évaluation négative de soi  

 

Les personnes boulimiques souffrent généralement d’un sérieux manque d’estime de soi. Cette tendance de dévalorisation de soi est renforcée par les crises de boulimie incoercibles et par les purges auto-provoquées. Cette image de soi négative est associée à une dépréciation de son corps et exacerbe l’autocontrôle corporel et alimentaire. En effet, non seulement le contrôle de soi et de son corps est valorisé dans notre société mais en plus le contrôle de son poids est un moyen assez aisé de se contrôler et d’apprécier sa valeur propre. « Dis-moi combien tu pèses, je te dirai ce que tu vaux » ou « je vaux ce que je pèse. Moins je pèse, plus j’ai de valeur »…  

 

Le perfectionnisme et la pensée en « tout ou rien »  

 

Le perfectionnisme et la pensée en noir et blanc amènent les boulimiques à entreprendre un régime drastique intenable et à interpréter le moindre écart par rapport à leur régime comme un échec cinglant, un désaveu de leur personne. Cet extrémisme participe ainsi au processus boulimique. 

Publié dans Archives 01 à 12-2007

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