Pas si simple...
Ce n’est pas évident aujourd’hui, car je sens bien à quel point je suis mal, mais sans pouvoir agir ou faire en sorte que ce mal-être disparaisse. A tel point que je n’arrive même pas à parler ou aller au devant des autres. Je n’en ai pas envie, je ne souhaite voir personne.
J’aimerais juste pouvoir me cacher, m’isoler. Car aujourd’hui mes masques ne suffisent pas. Un peu comme un maquillage qui ne suffit pas à cacher la fatigue d’une bonne fête la veille ! Le masque du sourire, qui habituellement me permet d’être souriante dès que je croise un regard, n’arrive même pas à me faire bouger les lèvres, celui qui me permet normalement d’être toujours à la hauteur dans le boulot et de me donner à fond, ne m’aide à peine à me concentrer et encore moins à me motiver, celui qui me fait dire à tous que je vais super bien et à échanger avec eux de manière agréable ne joue pas davantage son rôle. Je n’ai aucune envie. De travailler, de parler, de sourire, de me forcer…
Je suis trop dans la souffrance pour cela. Je passe un pallier nouveau de la maladie, qui n’est pas facile à surmonter.
S’ajoutent à cela, les petites voix de l’anorexie, plus que jamais présentes et qui ne cessent de me harceler. « 47kg, c’est bien, tu as reperdu, mais cela ne suffit pas et tu dois encore perdre toute cette graisse… Non ! ne mange pas cela… Non ! n’en reprend pas… Ne craque pas… Pèse-toi, etc… ». Toutes ces phrases raisonnent inlassablement dans ma tête au point d’en entendre parfois comme une espèce de résonance, un écho. 
9e jour sans crise de boulimie. Je n’en ressens pas l’envie en fait, mais ce qui est néanmoins difficile à comprendre et à supporter, c’est que mon corps, lui, semble en avoir besoin. Comme si j’étais en manque. J’ai des symptômes physiques à l’identique d’un alcoolique en désintoxication. Douleurs, inattention, nervosité… Il semblerait que ce soit par conséquent installé un duel entre mon esprit et mon corps. L’un réclamant une compulsion alimentaire pour atténuer ses maux, l’autre la refoulant et s’y opposant presque avec une peur phobique de retomber dans l’engrenage des crises. L’intensité de tous ces sentiments incontrôlables, l’opposition constante dans laquelle se trouve mon organisme et mon esprit, provoquent du coup des troubles réels tels que les vomissements (non provoqués), des maux de tête, maux de ventre, perte d’appétit par moment, désir indescriptible de manger parfois. Bref, c’est l’anarchie complète. Je ne sais plus si j’ai faim ou pas, si j’ai mal ou pas, je n’arrive plus à décrire l’état dans lequel je me trouve !
J’ai cette impression délirante de voir la maladie s’accrocher à moi, comme une tique ‘accroche à un animal.
Je me rends compte aussi que ces derniers jours, étant complètement dépourvue face à toutes ces réactions inhabituelles, je ne suis pas facile à vivre ! Pas agréable, pas à la hauteur, que ce soit au boulot ou à la maison. Je souffre terriblement de cela, car jusqu’à maintenant, j’ai toujours fait en sorte de ne faire supporter à quiconque, les conséquences de la maladie. Là, je sens qu’elle implique aussi les autres et cela m’ennuie vraiment. C’est pourquoi j’aimerais partir… Pour moi, et pour laisser en paix les gens qui m’entourent.
D’un autre côté, je ne veux pas laisser la maladie m’emporter et me faire sombrer. Alors une fois encore, je vais puiser je ne sais où l’énergie nécessaire pour me redresser, refaire surface et aller mieux.